À la rencontre de l’imam Rezâ, en Iran

Par André Roy le  sous Aventures

 

Mashhad, nord-est de l’Iran, septembre 2011 – Tous ceux à qui je l’avais annoncé étaient restés sans voix, mais me voici en Iran. Après une journée de visiteà Téhéran, nous sommes arrivés à Mashhad, haut lieu saint du chiisme où est enterré le huitième imam, Ali ar-Rida ou Emam Rezâ pour les Iraniens.

Nous sommes le premier week-end de septembre et c’est l’anniversaire de la mort de l’imam Rezâ. La ville est décorée et illuminée comme si nous étions dans le temps de Noël, en Occident. Dès que nous sortons de l’hôtel, nous devenons immédiatement la minorité visible, particulièrement moi, avec mes cheveux blancs et mes yeux bleus.

 

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Nous visitons l’immense mausolée avec François et Negar, notre guide iranienne. C’est une ville dans la ville, on s’y perdrait. Les hommes entrent d’un côté, et les femmes, vêtues du niqab, de l’autre. Commémorations obligent, la place est bondée. Les dimensions du site donnent le vertige alors que la beauté des céramiques bleues et multicolores recouvrant chaque arche, chaque portail, chaque dôme, défient tous les qualificatifs. Les nombreux pèlerins circulent en direction du dôme doré où se trouve le tombeau de l’imam. Dans cette atmosphère, la ferveur émane des nombreux minarets dispersés sur les lieux; nous vivons une véritable immersion dans un monde fascinant, auquel nous sommes un peu étrangers. Pour ma part, je ne savais pas que mon expérience irait encore plus loin, littéralement.

Un des membres du groupe, qui séjourne en Iran depuis une semaine déjà, avait créé des contacts via Internet avec des Iraniens et devait rencontrer deux de ses nouveaux « amis locaux » le soir même à Mashhad. Il me propose de me joindre à eux, sans trop savoir quel sera le programme. Pourquoi pas? Depuis notre arrivée, l’accueil des Iraniens dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer.

Les deux amis, fort sympathiques, nous rejoignent à l’hôtel, et nous proposent de retourner au mausolée pour avoir un autre aperçu du site. Il est tard, mais nous acceptons, car le mausolée n’est pas très loin à pied. En chemin, je suis surpris de les entendre parler assez librement à des étrangers comme nous, dans un bon anglais, de la situation politique du pays, au lendemain d’élections qui ont désillusionné la jeunesse iranienne.

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Nous entrons rapidement dans l’enceinte et traversons les nombreuses places ou cours intérieures, dont certaines abritent d’immenses fontaines où les pèlerins font leurs ablutions. Puis, nous pénétrons à l’intérieur d’un édifice dont les murs et les hauts plafonds arqués sont recouverts de millions de petits morceaux de miroirs, qui scintillent de tous leurs feux sous les immenses lustres aussi chamarrés. Je n’avais jamais vu rien de tel! Nos amis nous invitent à continuer dans un autre corridor, qui n’a rien à envier à la galerie des Glaces de Versailles. Je sens que la ferveur de la foule, de plus en plus dense, est à son paroxysme et suis curieux d’en connaître la raison.

La réponse ne se fait pas attendre : en tournant le coin vers la droite, nous pénétrons dans le hall donnant sur le tombeau de l’iman Rezâ, sous le dôme doré que nous avions aperçu l’après-midi. Là, des centaines d’hommes s’entassent et se bousculent pour entrer, dans une rumeur de prières mêlées de cris. C’est peut-être parce que nous sommes enivrés par toute l’atmosphère et l’intensité des lieux, qu’un de nos guides nous dit que nous pouvons entrer dans la salle et toucher au tombeau, ce que tous ici veulent faire. Nous nous dirigeons alors sans hésitation vers la salle du tombeau et entrons dans le flot humain, qui, comme une immense vague, me soulève et me porte vers le centre où se trouve le tombeau.

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Tout se passe très vite, mais j’ai le temps de voir plusieurs hommes portant leurs enfants à bout de bras pour leur faire toucher désespérément la paroi grillagée de la tombe. Le courant de cette marée humaine presque chorégraphiée me pousse de l’autre côté de la salle et, presque par miracle, je me retrouve à quelques mètres de mes amis, dans cette mer de pèlerins. Après quelques instants, d’un commun accord, nous sortons tous de la salle en suivant les corridors à l’inverse. Nous retraversons les grandes places et, à la sortie de l’enceinte, nos amis nous saluent et rentrent chez eux. De notre côté, mon collègue voyageur et moi retournons à l’hôtel, interloqués, conscients que nous venions de vivre un moment intense qui ne se reproduira pas de sitôt.

Une occasion unique que nous devons à la grande hospitalité iranienne…

André Roy