Le VRAI monde

Par André Roy le  sous Aventures

Partir, pour beaucoup, c’est surtout vouloir découvrir d’autres lieux, les grands monuments, des sites naturels exceptionnels qui nous dépaysent, nous invitent au dépassement et nous transportent ailleurs. Or, le dépaysement et le souvenir sont tout aussi intenses et marquants, sinon plus, à la rencontre de ces gens qui nous accueillent, qui nous guident parfois, ou tout simplement que nous croisons dans un marché ou un village.

Dans le brouhaha environnant du souk de Louxor, en Égypte, le tailleur de galabiehs me raconte avec un regard triste comment il a survécu à la déshydratation et à la soif dans le désert pendant la guerre des Six Jours. Je suis un peu désemparé par ses confidences; je ne sais pas quoi répondre, mais j’écoute attentivement son récit. Au bout d’un moment, ses yeux s’illuminent et, avec son grand sourire, il m’offre le thé et nous continuons à discuter de choses et d’autres. Pendant ces quelques instants, j’ai l’impression de parler à un ami.

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Quelques années plus tard, en Chine, à Hangzhou, notre petit groupe de cinq est invité à manger chez un chauffeur de taxi que notre guide, Luc, connaît bien. Nous voici accueillis comme des princes dans cette modeste demeure où s’entremêlent toutes les générations. Le festin et la variété des plats « maison » n’ont d’égale que la gentillesse de nos hôtes. Malgré la barrière de la langue, qui est abaissée grâce aux traductions de Luc, nous passons une soirée inoubliable avec le « vrai monde ».

Le vrai monde, c’est aussi ce petit monsieur de Jaipur en Inde, à qui j’ai acheté, pour quelques roupies, trois marionnettes toutes colorées et qui me demande si je serai encore en ville le lendemain. Je lui réponds que oui, et il m’invite à revenir à la même heure. Je ne lui promets rien, mais je m’efforce d’être au rendez-vous la journée suivante, avec une autre voyageuse qui a aussi acheté des marionnettes.

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Nous suivons notre « guide » improvisé quelque temps dans la ville pour nous rendre derrière un petit muret où se trouve sa maison, constituée en fait de quatre bâtons de bois sur lesquels repose un toit de tôle et de planches, de la grandeur d’une remise. Il nous présente sa mère qui est assise silencieuse, et nous dit que sa femme est encore au travail dans un commerce non loin. Il tenait à nous offrir le chai et quelques biscuits pour nous remercier d’avoir acheté ses marionnettes. Tout simplement. Souvenir impérissable.

Parfois, il s’agit de quelques moments, d’autres fois des journées entières passées à la rencontre des résidants de nos pays hôtes. C’est à la fois une expérience pleine d’inconnus, car les coutumes, les codes et la langue sont souvent différents, mais aussi très enrichissante, car une fois passés ces obstacles, on peut sentir la gentillesse et la spontanéité des gens. Ce sont tout à coup toutes nos barrières qui tombent elles aussi une à une.

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Tous les voyages n’appellent pas ce genre d’expériences. Par exemple, les treks de hautes montagnes ou les voyages de grande nature, sont plus propices à la contemplation et à la méditation solitaire. Il peut aussi être surprenant de se penser complètement seuls en plein Sahara, puis en l’espace de quelques minutes, de voir se pointer les silhouettes d’un, deux, puis trois visiteurs, qui habitent en fait l’endroit depuis toujours.

Les enfants sont souvent les premiers qui viennent à notre rencontre en voyage, parfois pour nous demander des crayons ou des bonbons, mais le plus souvent par pure curiosité.

Je me souviendrai longtemps de cette journée extraordinaire passée dans une école du Tibet oriental, près de Ganze, dont les élèves étaient tous des orphelins. Il fallait voir ces enfants, petits et grands, les yeux brillants de curiosité, mais aussi timides. Ils avaient répété pendant les jours précédents des numéros de chansons et de danses traditionnelles. Il fallait surtout nous voir essayer de les suivre dans leurs farandoles à plus de 4 000 mètres d’altitude! Nous sommes tous partis de cette rencontre les yeux embués.

Ce jour-là, tous les magnifiques sommets enneigés des environs n’auraient jamais remplacé les regards de ces enfants.

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Impossible de dissocier l’Inde du Taj Mahal, l’Égypte des pyramides, la Chine de la Grande Muraille, mais l’attrait de ces grands monuments nous révèle des trésors encore plus grands : des sourires, des échanges de regards, des conversations, des rires et parfois même, de belles amitiés. De petits joyaux que nous offre simplement le vrai monde.

par André Roy

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Crédit photo de la couverture: François Latulippe