Ma journée chez les Hadza, en Tanzanie

Par Daniel Hardy le  sous Aventures

Je me déplace d’un pas alerte. Le terrain est accidenté. Les épines traîtresses des acacias déchirent à plusieurs endroits mon t-shirt et lacèrent ma peau jusqu’au sang. Je tente tant bien que mal de ne pas me laisser distancer par les quatre adolescents. Mais le poids de mon sac à dos, mon étui de caméra qui bringuebale contre mon flanc, et ma caméra, que je garde à la main, entravent mon déplacement. Mes partenaires pour la journée sont rompus au terrain, qu’ils fréquentent depuis la nuit des temps, et savent où ils vont. Pas moi.

Moi, je suis étranger à cette terre. Je suis le touriste, le traînard, celui par qui l’expédition pourrait se révéler un échec. Si je fais sûrement figure d’extraterrestre aux yeux de mes nouveaux amis, il va s’en dire que l’inverse est tout aussi vrai ! C’est qu’ils sont vraiment singuliers, et que je ne suis pas habitué à côtoyer des humains dans leur genre. Il faut dire aussi qu’il n’en reste plus beaucoup des comme eux sur la planète ! Ils sont en voie d’extinction. C’est donc un rare et immense privilège que j’ai que de pouvoir fréquenter ces quatre jeunes hommes, ne serait-ce qu’une journée !

Qui sont donc mes camarades et qu’ont-ils de si particulier ?

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Mes compagnons appartiennent à la petite tribu des Hadza, qui habite la Tanzanie. Et s’ils m’apparaissent aussi furieusement déphasés par rapport à l’être que je suis, c’est qu’ils sont issus de ces très rares populations sur Terre qui continuent à vivre comme vivaient nos ancêtres, il y a… 8000 ans, avant l’invention de l’agriculture. Bref, ce sont des chasseurs-cueilleurs et, pour tout dire, ils ne dépareilleraient pas les personnages de La guerre du feu, tant la simplicité de leur mode de vie est éloignée de la nôtre !

Aujourd’hui, quelques membres de mon groupe et moi accompagnons ces quatre adolescents hazdas dans leur chasse journalière. Les hommes de la tribu, eux, sont partis seuls de leur côté, histoire d’augmenter leurs chances de prendre du gibier. Si nous les avions suivis, nous aurions pu les retarder ou faire fuir les animaux.

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Mon désir de venir en Afrique accomplir un safari est en partie le fruit d’un rêve de prime jeunesse : celui de me retrouver dans un décor fantasmé à force de regarder des émissions de télévision comme Le roi Léo, Tarzan, Au royaume des animaux (de la Mutuelle d’Omaha), ou Daktari. Au cours de mon périple au Kenya et en Tanzanie, j’aurai vu tous les animaux. Mais à force de parcourir la savane de long en large, j’ai fait le constat que de tous les animaux celui que je préfère est encore l’Homo sapiens. Rencontrer des animaux, c’est bien. Rencontrer des gens, c’est encore mieux !

Découvrir le monde insolite et anachronique des Hazda s’est révélé être pour moi une bonne occasion pour m’interroger sur le sens de l’évolution, sur ce que veut dire appartenir à une culture et sur mon rapport à la modernité.

Ce jour-là, la chasse de mes quatre jeunes amis fut aussi maigre que les deux seuls écureuils maigrichons abattus par leurs flèches. Le premier, directement posé sur un feu — allumé par l’échauffement de deux bâtons frottés un sur l’autre —, fut englouti comme petit-déjeuner sur place. Le deuxième allait être ramené au campement. C’est avec gêne que j’ai accepté le morceau qu’ils m’offraient. Moi qui avais déjà bien déjeuné, ne leur enlevais-je pas leur maigre pitance alimentaire ?

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De retour à leur camp, la Jeep qui devait me ramener à mon propre campement ne démarrait plus. La batterie était à plat. Que faire ? Obliger l’alternateur à la recharger en poussant manuellement la Jeep sur une certaine distance. Et c’est là, tableau insolite et magnifique, que l’improbable se produisit; que l’Ancien Monde et le Nouveau se sont donné la main.

En effet, ne voila-t-il pas que je vis une dizaine de fiers Hadzas mettre leur force en commun et pousser la Jeep suffisamment longtemps pour qu’elle redémarre.

N’est-il pas bizarre que les humains les plus décalés sur Terre par rapport à la modernité aient permis de redonner vie à la voiture, fleuron technologique de notre civilisation ? Qui de nous ou d’eux a le plus à apprendre de l’autre ? Ce peuple qui, au contact de la modernité, est menacé de perdre une façon d’être et de vivre qui remonte à la nuit des temps ? Ou notre civilisation qui, dans la rencontre avec une humanité millénaire, se voit offrir la chance de retrouver ce qu’elle a un jour perdu dans sa course contre le temps : l’éternité ?

Texte et photos Daniel Hardy

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